Les A. étaient de gentils voisins. Louis, maigre comme un clou, peu expansif, un peu moqueur, était en été gardegénisses quelque part vers Motélon. Il emmenait toute sa famille à la montagne. En hiver, il nourrissait les siens du petit pécule amassé durant les mois d’été. Dans le temps, il avait exploité la scie de Pra Motta.
Emma, personne aimable et effacée, avait fait des études d’institutrice. Elle était heureuse de peu. Elle avait, à l’époque, une misérable cuisine, ouverte jusqu’à la cheminée et dont le fond était en terre battue. Par les bises d’hiver, il y faisait si froid qu’elle devait porter un bonnet de laine pour travailler. On aimait beaucoup Emma. C’était vers elle qu’on allait volontiers quand, vers les quinze ans, on se sentait mal compris à la maison. Très souvent, à la bonne saison, elle nous rejoignait sur le banc du jardin pour causer un peu ou chanter. Elle aimait tant quand on chantait «Les lilas blancs», ou «Les grands berceaux», «…écoutez, loin des berceaux, les voix qui chantent…!». Pauvre Emma, partie bien trop tôt pour les siens, emportée rapidement par un cancer du sein soigné trop tard. Madeleine, Jean-Louis, Thérèse, Marguerite, Hélène, Bernard étaient nos camarades.