Qui se souvient encore de l’odeur de sa cuisine : un mélange confus de tous les relents. En y entrant, à gauche, se trouvait l’escalier conduisant droit au galetas. Sous cet escalier apparaissait un baquet avec une énorme louche à long manche. Marie en faisait un usage qui nous scandalisait quelque peu. Arrivant à l’improviste, on la surprenait parfois, accroupie dans ce coin, la louche entre les jambes et hop… le tout adroitement basculé dans le baquet à moitié plein… dégageant les effluves qui nous prenaient au nez en entrant. Le baquet, par la suite, prenait le chemin du jardin… point de meilleur engrais pour le persil, voisin du bois-gentil. Marie avait le plus beau persil de Pra Motta… et pour cause ! Pour toute dentition, elle avait un énorme chicot sur le côté.
Malgré tout, elle nous faisait drôlement envie quand, en été, assise vers la fenêtre ouverte de sa cuisine, son assiette posée sur le rebord, elle savourait du bon bouilli juteux et des raves fondantes ! Quand nous rentrions de l’école, affamés comme des loups, il n’en fallait pas plus pour aiguiser notre envie ! Ça sent si bon un bouilli mijoté durant toute une matinée ! Nous lui faisions toutes ses commissions. De retour de l’école à quatre heures, on la trouvait invariablement assise sur son fauteuil d’osier en train de prier son chapelet. Comme toutes les grands-mères, elle priait pour ses enfants : Mayette, Marthe, Marius, Meinrad.
Le départ de Marie à Séraphin fit un grand vide à Pra Motta. Elle partit vivre chez Marthe sa fille où elle mourut, laissant ses bons souvenirs.