Tante Lucie était une soeur de maman. Ses visites étaient pour nous enfants une grande joie. Tante Lucie avait le coeur sur la main. Quelle belle qualité ! Elle arrivait toujours le samedi vers la vesprée, venant à pied depuis la gare de Siviriez. On allait à sa rencontre jusqu’à Tzanbillon.
Tout d’abord, on lui servait du café au lait, du beurre frais sorti de la baratte et de la confiture. Après le repas, elle disait : «Je vais chez Pilate payer le tribut dû à César !» Ensuite, avec une dignité propre à l’institutrice qu’elle était, elle s’asseyait à la grande table de la chambre et commençait à déballer des paquets de «drops» (bonbons), des sachets de caramels, des rouleaux de chocolat. Elle en faisait autant de portions que nous étions de paires d’yeux à la regarder faire. Elle n’aurait pas voulu qu’un de nous soit lésé dans ses droits. Elle distribuait à chacun le même petit tas de sucreries. Tante Lucie ne manquait jamais nos fêtes. A la sainte Lucie, sainte Agnès ou saint Louis un petit paquet arrivait.
Brave tante Lucie, elle avait si bien compris que seul le bien qu’on fait ici-bas demeure pour l’éternité. D’ailleurs, elle avait consacré sa vie aux plus déshérités, institutrice à l’orphelinat de Fribourg. Elle incarnait la bonté même.