Le tocsin

Je l’entends encore sonner dans mes oreilles. C’était le 1er septembre 1939, j’avais onze ans. A cet instant précis, je jouais avec un cabri qui me suivait comme mon ombre. Nous étions sous le poirier à «goyâ» (poires strangillon) au bas du pont. Maria qui avait fait un stage à Lyon et à Saint-Etienne était rentrée depuis trois jours. Elle était au chevet de la femme du laitier. Le tocsin nous annonçait la mobilisation générale : la Deuxième Guerre mondiale venait d’éclater. Nous n’avions chez nous personne en âge ou en état d’être sous les drapeaux : papa était trop vieux, Paul trop jeune et Coco trop mal fichu. Par bonheur, Maria avait pu passer la frontière avant la fermeture. Aussitôt la nouvelle répandue, les ménagères prirent d’assaut les épiceries afin de se procurer vite encore du sucre et du café, denrées importées.

Pour nous enfants, ce fut surtout un événement qui rompit un peu la monotonie du village. On comprit mieux le drame qui se jouait hors de nos frontières quand on vit arriver des familles de réfugiés français fuyant l’invasion allemande. Chez nous, on reçut la famille Pichard d’Hérimoncourt, la maman et ses quatre plus jeunes enfants : Ginette, Micheline, Françoise et un petit garçon dont le nom m’échappe. C’étaient de braves gens momentanément démunis et qui s’étaient adaptés à notre manière de vivre d’une façon exemplaire. Combien de temps sont-ils restés ? Quelques mois je crois, je ne m’en souviens pas bien… Assez de temps pour que des liens d’amitié naissent entre nous.

Après leur retour en France, il y eut échanges de correspondance, puis les années passant, tout est tombé dans le silence. Ils nous avaient appris «La Marseillaise», «Le chapeau de Zozo», «Pour être un petit matelot», autant de bons souvenirs.

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