Nous devons bien de la reconnaissance à nos grandes soeurs pour tout ce qu’elles ont fait pour nous quand nous étions petits. Je me souviendrai toujours des «witz» de Jeanne, toujours prête à égayer les repas par sa jovialité naturelle. En hiver, on faisait la prière du soir en famille, tous agenouillés dans la chambre. Le diable devait être un peu là aussi car c’était toujours à ce moment-là qu’il nous prenait une forte envie de rire et de badiner.
On se déshabillait sur le banc du fourneau, bien au chaud. De là, Maria nous portait à «kakikou» (à califourchon) jusque dans nos lits. Puis elle nous apportait à chacun une bouchée de miel, c’était pour prévenir rhumes et angines. Qu’il faisait bon trouver, au fond de son lit, le «pépeni» (sac rempli de noyaux de cerises) bien tiède mis à chauffer dans la «fornalèta» (niche dans le fourneau). On n’avait aucun confort dans les fermes, pas de salle de bains bien sûr, encore moins de cabinet de toilette. Chez nous, seule la cuisine et les deux chambres devant étaient chauffées.
Le matin, on se débarbouillait le visage à la cuisine, on disposait d’une lavette pour toute la bande d’enfants…! Petite construction accolée au cache-colliers, les «cabinets » (WC) se trouvaient à l’extérieur, sur le creux à purin. Des journaux découpés faisaient office de papier de toilette ; nous les lisions souvent avant leur utilisation ! Le samedi, pas de douche bien sûr, on se lavait dans la petite chambre devant. Le plancher était en sapin brut, il absorbait tout ce qui giclait du bidon employé à cet usage. Nous, les petites, étions bien savonnées assis sur un tabouret, puis essuyées au mieux. Gare à celui qui avait les «chatouillons» sous les pieds, ce n’était pas le moment de badiner. Lucie était chargée de cette fonction. Merci chère Lucie !
Il arrivait qu’on attrape des poux à l’école. C’était un signe de santé, les poux aimaient le bon sang, disait-on. L’épouillage se passait aussi dans la petite chambre, sur le couvercle de la commode. On subissait une inspection minutieuse : on était peignés au moyen d’une peignette jusqu’à ce qu’aucun pou ne tombe plus sur le journal posé à cet effet. Du plat de l’ongle, on écrabouillait poux et lentes avec sadisme. Puis on nous enduisait la tête de pétrole puant. Certains utilisaient de la Sévadille qui avait le même effet que le pétrole. Et dire que des shampooings hebdomadaires auraient éliminé à tout jamais ces affreux parasites !*
* Après lecture de ce texte maman a tracé ce passage évoquant les poux et a noté : «Mets un papier collant car je serai taxée de femme sale et négligente ! Le reste va très bien.»