Qui n’a pas eu des déceptions d’enfance? Un jour, paraît-il, la sage-femme serait venue chez nous pour apporter un bébé… et papa l’aurait renvoyée en lui disant qu’elle avait dû se tromper d’adresse, que c’était sûrement chez Louis R. d’Athénaïs qu’elle était attendue. On était bien déçus de papa quand il nous racontait ça lorsqu’on avait sept ou huit ans. C’était l’âge où l’on frémissait chaque fois qu’on partageait une grosse courge ! Nous, les petites, aurions tant aimé avoir un bébé à la maison. Ce souhait était le principal sujet de demande lors de chaque communion. On vousoyait le Bon Dieu à cette époque : «Mon Dieu faites qu’on ait un bébé à la maison !». On ne comprenait pas pourquoi ces prières sincères restaient vaines.
Personnellement, ce fut pour moi une grande déception le jour où je me rendis compte que maman n’était pas une sainte ; jusque-là je ne lui voyais aucun défaut ! A ce moment, mes yeux avaient dû s’ouvrir à bien d’autres réalités décevantes de la vie. C’était aussi une déception de devoir, chaque hiver, porter ces affreux bas de laine noire ou marine, piquants, laids et trop courts ; il fallait rallonger les élastiques de la «taille» (sous-vêtement pour tenir les bas) pour arriver à les boutonner. Rappelezvous ces «tailles» qu’on portait, elles étaient tricotées en coton écru au point mousse ! Les vieux bas hérités de quelque vague cousine du siècle passé me revenaient presque toujours parce que j’étais la plus grosse et que leur pointure correspondait à celle de mes pieds ! Quelle malchance et quelle déception !